Hey, voila une folle ! [Photo, Ecriture, Graph']

Le silence impénétrable, inaltérable, me faisait peur ... Je n'entendais que le bruit continu des appareils auxquels j'étais reliée, auxquels ma vie, tremblante, était reliée. J'avais toujours eu peur du noir. Pourquoi dire le contraire ? Et pour moi, la mort, c'était cela : l'obscurité totale, éternelle et insondable. Je m'imaginais tombant dans un gouffre sans pouvoir me retenir à rien. Je me voyais saisie par le néant, engloutie à jamais dans un monde dépourvu de sentiments, de pensées, de couleurs, dépourvu de tout. Je n'aurais plus mal ... J'allai me perdre dans ce vide, tout oublier, tout effacer, jusqu'à la trace de mon existence. Au fond, si c'était ça la mort, la vie m'avait peut-être déjà quittée. Mais non, j'étais toujours là, étendue, immobile, le visage blafard, secouée de tremblements convulsifs, attendant la fin ... J'avais peur, si peur, que je croyais que ce serait la peur qui aurait le dessus, qui me tuerait avant la maladie. J'avais plus ou moins accepté la douleur, compris qu'elle resterait à me dévorer sournoisement jusqu'à la fin. Mais je n'avais jamais oublié la peur qui, toujours tapie en moi, me consumait, me hantait, me submergeait, sans répit. J'avais peur du silence, du noir, du temps, de l'oubli, de l'éternité. De la mort. Je désirais arrêter le temps, lui ordonner d'interrompre sa course. Je lui criais de revenir en arrière, de me rendre ma vie, mon avenir. Je n'avais plus rien auprès de moi qui puisse m'aider, me réconforter. Seule subsistait l'angoisse, toujours croissante.

Puis le rêve était arrivé. Il avait perturbé mon attente, il m'avait changée, projetée hors du temps, hors de la vie que je menais ou de l'absence de vie qui constituais mon univers. Je voulais que le rêve ne s'achève jamais, qu'il me fasse oublier tout le reste, qu'il l'efface du monde ... Je croyais pouvoir vivre dans mon rêve, faire de lui ma réalité et de ma triste réalité un rêve lointain et invraisemblable. A mon insu, j'avais repri un peu d'espoir. Mais ce n'était qu'un rêve. Cette constatation revint en force briser mes illusions.

Alors, j'ai pris une profonde inspiration. Et j'ai regarder la vérité en face, celle que je lisais dans le regard fuyant des infirmières, celle qui se nichait, craintive, au fond de moi. Je ne pouvais pas continuer de croire que ma vie redeviendrait comme avant, je n'en avait ni le droit ni la force. Heather, la fille gâtée de ses parents, adulée, comblée d'amis et de réussite. Heather n'existait plus. J'ai retenue ma peur, j'ai brisé la carapace irréelle dont j'essayais de m'entourer avec ce rêve. Et j'ai dit à voix haute, pour mieux entendre ce que je fuyais :

" J'ai 17 ans. Et je vais mourir. "